Fracture du radius et de l’ulna sur un Berger belge de 4,5 ans
Frédéric SANSPOUX
16 Rue des Rochettes – 87300 Bellac
Cas clinique
Un Berger belge de 4 ans et demi est présenté en consultation pour une fracture de l’avant-bras suite à un trauma (patte coincée dans les barreaux d’un escalier). Le chien présentait une suppression d’appui totale associée à une douleur intense. Les radiographies préopératoires ont mis en évidence une fracture oblique simple mi-diaphysaire de l’ulna et une fracture transverse simple mi-diaphysaire du radius accompagnée d’un troisième fragment (Fig. 1).
Technique chirurgicale
La technique opératoire choisie pour ce cas a été la MIPO pour le radius et un abord modéré pour l’ulna.
Dans un premier temps, l’ulna a été abordé par voie caudale, en face du foyer de fracture, grâce à une incision d’environ 3 cm (Fig. 2). Un chemin a été frayé entre les muscles fléchisseurs. Un clou centromédullaire de 1,8 mm de diamètre a été implanté par voie rétrograde disto-proximalement. Une fois réduite et alignée, la voie d’abord est refermée, le clou replié et coupé.
Dans un second temps, le radius a été abordé par voie mini invasive (Fig. 3). Deux incisions de 3 à 4 cm environ ont été pratiquées : l’une proximale et crânio-médiale, l’autre distale et dorsale.
Un chemin pour accéder à la métaphyse radiale a été délicatement frayé entre l’extenseur radial du carpe et le rond pronateur proximalement, entre le muscle extenseur radial du carpe et le tendon du muscle extenseur commun des doigts distalement. Le muscle extenseur oblique du carpe a été élevé.
Une plaque LC-DCP pour vis de 3,5 mm de diamètre à 10 trous a été utilisée pour stabiliser la fracture. Préalablement, elle a été légèrement contournée sur la radiographie de profil du radius controlatéral. La plaque a été glissée sous les muscles et les tendons disto-proximalement, nous avions d’abord pris soin de tunnéliser son passage à l’aide d’un élévateur réservé à cet effet (MIPO ELAVATOR, Veterinary instrumentation).
Une réduction approximative a été réalisée à l’aveugle et la plaque a été maintenue à l’aide de deux daviers crantés. Une première vis de 14 mm a été implantée dans le trou le plus distal de la plaque. Une seconde vis de 14 mm dans le trou le plus proximal en s’assurant bien de la bonne orientation du membre. Les quatre autres vis de 12 mm ont été implantées alternativement en position neutre et finalement solidement serrées. Les tissus mous ont été refermés plans par plans (Fig. 4 et 5) et un léger bandage de Robert Jones a été appliqué pour quelques jours.
Les radiographies postopératoires ont montré une réduction quasiment anatomique qui reste malgré tout le fruit du hasard puisque le trait de fracture du radius n’a jamais été visualisé (Fig. 6). Dans la plupart des cas que nous traitons en MIPO, il est rare que la réduction soit parfaitement anatomique.
Les vis numéro 2, 3, 4 et 5 semblent ne pas être totalement trans-corticales. Le trou de la vis numéro 3 se prolonge dans l’ulna, mais cela est sans conséquence fonctionnelle.
Le client très consciencieux a scrupuleusement respecté des consignes postopératoires. Habitant assez loin de la clinique, les contrôles radiographiques ont été réalisés seulement à J30 (Fig. 7), J90 (Fig. 8) et J180 (Fig. 9). A J30, une forte activité périostée a été constatée avec un début de remaniement osseux. A J90, un pontage des corticales était visible mais aussi l’apparition d’une synostose radio-ulnaire (fig. 10). A J180, le pontage des corticales était total.
Discussion
Les fractures du radius et de l’ulna représentent de 8,5 à 17 % de toutes les fractures rencontrées chez le chien (2). Elles peuvent être abordées de différentes manières : selon les techniques d’ostéosynthèse classiques par réduction et stabilisation à ciel ouvert (ORIF : Open Reduction and Internal Fixation, OBDNT : Open But Dont Touch) ou par voie mini invasie (MIO : Mini Ivasive Osteosynthesis). Cette dernière respecte parfaitement les principes de base de l’ostéosynthèse biologique (3) :
- Elle minimise les perturbations iatrogènes des tissus mous et donc préserve l’apport sanguin au foyer de fracture.
- Elle utilise des techniques de réduction indirectes de la fracture.
- Elle est capable de procurer une fixation stable et appropriée.
- Elle promeut un retour rapide de la fonction membre.
La technique MIPPO (Mini Inavsie Percutaneous Plating Osteosynthesis) fait partie des différentes techniques de MIO et présente plusieurs avantages (1-2-3) :
- Le temps chirurgical est diminué, ce qui minimise le risque d’infection.
- L’approche chirurgicale est moins traumatisante. Les lésions iatrogènes sont diminuées ainsi que les contaminations peropératoires du foyer de fracture.
- C’est l’alignement spatial du membre et des surfaces articulaires qui prime. Les manipulations excessives du membre sont donc évitées, ce qui préserve l’apport sanguin et l’hématome fracturaire. La préservation de l’hématome fracturaire contribue à la mise en place du cal osseux.
- Le temps de cicatrisation osseuse est moindre que pour les techniques conventionnelles et le retour à la fonction plus rapide.
- Les implants utilisés requièrent une exposition minimale voire, pas d’exposition du site de fracture et ont un contact limité avec le périoste. Ce qui minimise les détériorations vasculaires au niveau de la fracture.
- La douleur et la morbidité postopératoire sont diminuées.
Mais elle a aussi des inconvénients (3) :
- La courbe d’apprentissage est assez longue.
- La MIPPO est moins indiquée pour les fractures simples et les fractures intra-articulaires qui nécessitent une reconstruction anatomique et une compression interfragmentaire (cependant, l’utilisation de C-arm permet tout-à-fait la reconstruction de certaines fractures intra-articulaires).
- Il n’y a pas de vison direct du foyer de fracture. Le recours à la fluoroscopie est un plus mais les radiations que subissent l’équipe chirurgicale sont importantes.
Les défauts d’alignement dans le plan sagittal ne portent pas trop à conséquence et peuvent être compensés par l’animal. En revanche, des défauts de parallélisme articulaire, de rotation interne ou externe peuvent s’avérer handicapants et nécessitent une correction immédiate (6).
Cas du radius et de l’ulna
Il est souvent difficile d’obtenir un alignement parfait des abouts osseux sans aide à la réduction. Il existe plusieurs moyens de réduction indirecte du foyer de fracture (5) : suspension du membre, utilisation d’un fixateur externe circulaire, insertion d’un ECM dans l’ulna, utilisation d’un distracteur adapté (distracteur de Piras par exemple).
L’enclouage de l’ulna maintient efficacement l’alignement du membre dans les plans crânio-caudal et latéro-médial pendant la mise en place de la plaque. Il peut se faire de manière directe ou rétrograde mais le voie directe est beaucoup plus difficile. Les migrations de broches sont possibles et les irritations du tendon du triceps sont fréquentes. Il faut alors retirer l’implant (1-4).
Dans notre expérience, la technique utilisée nous donne entière satisfaction car la récupération fonctionnelle est précoce, la morbidité postopératoire est faible et les chiens utilisent leur membre très rapidement. Les observations concernant la gêne occasionné par le clou dans les études sont également les nôtres et le retrait de ce dernier après cicatrisation de l’ulna améliore sensiblement la fonction du membre. Les synostoses radio-ulnaires observées dans ce cas ne semblent pas gêner l’animal.
Bibliographie :
1) T.H. Witsberger, D.A. Hulse, S.C. Kerwin, W.B. Saunders : Minimally invasive application of a radial plate following placement of an ulnar rod in treating antebrachial fractures. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 6/2010 ; 459-467.
2) A. Pozzi, C.C. Hudson, C.M. Gauthier, D.D. Lewis : Retrospective Comparison of Minimally Invasive Plate Osteosynthesis and Open Reduction and Internal Fixation of Radius-Ulna Fractures in Dogs. Veterinary Surgery 42 (2013) ; 19–27.
3) C.C. Hudson, A. Pozzi, D.D. Lewis : Minimally invasive plate osteosynthesis. Applications and techniques in dogs and cats. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 3/2009 ; 175-182.
4) B. Peirone, G.L. Rovesti, A.B. Baroncelli, L. Piras : Minimally Invasive Plate Osteosynthesis Fracture Reduction Techniques in Small Animals. Vet. Clin. Small Anim. 42 (2012) ; 873–895.
5) C.C. Hudson, D.D. Lewis, A. Pozzi : Minimally Invasive Plate Osteosynthesis in Small Animals Radius and Ulna Fractures. Vet. Clin. Small Anim. 42 (2012) ; 983–996.
6) F. Sanspoux : Etude d’un cas d’ostéosynthèse biologique sur un chiot de 5 mois. Pratique Vet (2013) 48 : 440-443.
Mots-clefs : bellac, capveto, chien, chirurgie, enclouage, fracture, MIO, MIPO, radius, ulna
cirurgiavet@gmail.com
| #
interesting that the synostosis formed on the region of the interosseus ligament. Thank you for the post .
Reply